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L'adoption

par Célia CHOMAZ 30 Mai 2016, 10:41 Vivre Ensemble

Enfin non. Je n'ai pas adopté d'enfant et pour le moment, ce n'est pas à l'ordre du jour. J'ai été adopté. Et c'est une histoire merveilleuse. Et l'un des gestes les plus beaux qu'il soit. Je vais me pencher sur l'adoption à l'étranger. L'adoption en France recule. En effet, après le boom des années 90, nous voilà dans une période austère pour l'adoption. C'est la Convention de la Haye, signée par la France en 1993 et entrée en vigueur en 1998, qui régie l'adoption d'enfants mineurs à l'étranger. De nombreux pays ont signé cette convention instaurant ainsi des règles et des procédures en matière d'adoption. (Wikipédia est ton ami) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_La_Haye_(1993) Aussi, le droit local étant pris en compte, les futurs parents doivent se plier aux exigences du pays.

Il faut savoir qu'en France l'adoption est ouverte à toutes personnes de plus de 28 ans (mariés, en couple ou vivants seuls) ou aux couples mariés depuis plus de 2 ans ou âgés de 28 ans au plus (aaaaah l'Administration française....). Pourquoi 28 ans et pas 33 ans comme le Christ ? Je n'en sais rien. Bon et puis après, il y a des exceptions, des dérogations, des trucs bizarres, bref, je vous renvoie sur le site du gouvernement qui est très bien fait et très bien expliqué : http://www.adoption.gouv.fr/ Selon une étude très sérieuse, en France, l'adoption à l'international a reculé de 21% entre 2006 et 2015. Cela s'explique par des raisons politiques, diplomatiques, voir même géographiques. De nombreux pays ont fermé leurs portes à l'adoption (Congo, Guinée) tandis que d'autres ont instauré de nouvelles restrictions (Chine, Inde). Les pays autrefois en difficulté se développent et on voit apparaître une nouvelle classe moyenne parmi la population. L'adoption locale est privilégiée laissant bredouilles nos futurs parents adoptifs étrangers. Aussi, l'adoption coûte chère et le temps d'attente reste long. C'est un peu le parcours du combattant. Entre 2 et 5 ans d'attente, avec tous les aléas que cela comporte (problèmes de visas, délais administratifs, manque de papiers, crises politique ou sociale dans les pays...). Et puis, les critères pour adopter sont parfois contraignants. Pour obtenir l'agrément d'adoption, il faut passer toute une batterie de tests, remplir des papiers, attendre, attendre et attendre encore : demande d'agrément auprès de l'aide sociale à l'enfance (service du Conseil Général), remplir et compléter un dossier, avoir la visite d'un psychiatre, l'enquête sociale, l'examen du dossier par la commission d'agrément, le jugement de la décision d'agrément. Si refus il y a, l'alternative possible est de passer par le Président du Conseil Général et si la décision de refus est maintenue, on peut faire un recours auprès du Tribunal Administratif. Ensuite, l'Agence Française à l'Adoption (AFA) et les Organismes Autorisés pour l'Adoption sont aussi tes amis (c'est comme Wikipédia). Il faut se rapprocher de ces structures pour un complément d'informations et un suivi. Et il faudra encore remplir plein de paplars pour s'assurer que Gégé n'est pas taré et que sa femme Geneviève s'est remise de son accident de cheval étant jeune. Ou encore que le fils de Martine et Gisèle n'est pas un tyran même s'il vole les bonbons de ses camarades de classe à la récré. Et qu'il n'est pas traumatisé d'avoir deux mamans (oui parce qu'en France certains pensent encore qu'il faut absolument avoir un papa et un maman pour faire une parfaite petite famille aimante...). Et puis, il faudra justifier votre situation économique, sociale, bref, c'est reparti pour un tour. Vient ensuite le choix du pays, l'envoie des candidatures. Et là, c'est long, très long même. Il faut s'armer de patience. Faire les "bons" choix. Je parle surtout en matière de critères : certains pays refusent par exemple, l'adoption d'enfants par un couple de même sexe, par une personne célibataire, par un couple non marié. D'autres visent exclusivement les couples sans enfants, les couples mariés depuis 5 ans au moins, les célibataires mais pas de célibataires hommes...Aussi, il faut regarder le profil des enfants adoptables : l'âge, le sexe, si l'enfant a des frères et sœurs, son passé. Pensez aussi au coût du voyage, aux dépenses imprévues, aux aléas (parce qu'il y en a toujours). Renseignez-vous sur les associations d'enfance locales, cela peut aider à booster votre dossier et faciliter les démarches. Et après devinez quoi ? Et bien il faut encore attendre (comme c'est étonnant). N'oubliez pas que le pays qui vous ouvre ses portes doit aussi étudier votre dossier, émettre un avis, un jugement (ou une décision administrative), délivrer un visa longue durée à l'enfant potentiellement adoptable...Mais un jour sûrement, et c'est tout ce que l'on vous souhaite, vous recevrez enfin le courrier tant attendu : vous serez les heureux élus pour aller chercher votre futur enfant. Et ce jour là changera votre vie à jamais.

J'ai testé pour vous, l'adoption. Et je le vis bien, merci. C'est mal dis, mais l'idée y est. Quand j'ai demandé à mes parents pourquoi ils avaient fait ce choix, j'ai eu la plus belle réponse qu'il soit :" On a voulu sortir un enfant de la misère". Suivi de la magistrale intervention de ma tendre mère :"Oui et puis moi je voulais quand même une fille parce qu'avec mes deux zozos, bon, voilà". Et oui ! T. et J. avaient déjà deux enfants biologiques, deux garçons, plus où moins calmes, très gentils, adorables, explorateurs, courageux, plein de vie, bref, il fallait tout de même compléter cette belle famille. Ils se sont donc tournés vers l'adoption. Étant un couple marié avec possibilité d'avoir des enfants, cela mettait déjà pas mal de barrières (parce qu'ils avaient la possibilité d'avoir un troisième enfant sans passer par l'adoption). Mais à force de persévérance et de recherches, d'une, ils ont eu l'agrément et de deux, c'est le Sri-Lanka qui a été leur eldorado. Les voilà partis vaillants, déterminés, en plein hiver 1991. Et je ne peux pas passer à côté de l'une des plus belles rencontres qu'ils aient faite ! Parce que dans l'avion qui les menait à moi, ils ont rencontré un couple de français, vaillants et déterminés comme eux, qui allaient également chercher une petite fille. Et bien cette petite fille est aujourd'hui comme ma sœur. Parce qu'on ne s'est jamais perdus de vu, que nos parents ont toujours gardé contact, qu'on a passé pas mal de temps ensemble et que même si la distance a pu nous séparer géographiquement, elle n'a pas séparé nos cœurs (oui oui c'est très beau). Bref, tout s'est bien passé, le voyage, l'aller, le retour. Ils ont rencontré ma mère biologique, âgée de 16 ans à l'époque. Craintive au début et plus sereine au moment de me confier. Il paraît que mon retour était très attendu, surtout par mes deux frères et mes cousins/cousines, mamies, papys, tontons, tatas, parrain, marraine etc. Je suis très fière de cette histoire, de ce "parcours", de mes origines. Je me souviens encore la fois ou mon père m'a donné mon dossier d'adoption, j'ai trouvé une lettre écrite par l'un de leurs proches disant :"Félicitations et MERCI pour ce beau geste !". Et j'ai trouvé cela très touchant. Parce que oui, c'est un beau geste que de vouloir sortir un enfant de la misère. T. et J. m'ont choisi Célia comme prénom, en référence à Ceylan (ancien nom du Sri-Lanka) et c'est aussi en cela que je trouve toute cette histoire encore plus merveilleuse. Nous y sommes retournés en 2005, quelques mois après le dévastateur tsunami. Nous n'y sommes pas retournés uniquement parce qu'il y a eu ce malheureux événement. C'était prévu bien avant. Quand tout a été décimé en 2004, on a hésité et puis finalement on a sauté le pas. Mes deux parents, mes deux frères, mes deux grands-mères, tous embarqué dans la même aventure. Et quelle aventure ! Très enrichissante, très drôle et très dure aussi pour moi. Mais certainement nécessaire. J'ai découvert mes racines, mon pays, son histoire, sa culture, ses paysages, sa population. J'ai vu la misère, la pauvreté, la solidarité, la beauté du décor, la gentillesse de ses habitants, la mentalité complètement différente de la nôtre. J'ai passé trois semaines complètement hallucinantes, que je ne suis pas prête d'oublier. A travers cet article, je tiens aussi à déplorer les phrases fatalistes que j'entend parfois lorsque les gens apprennent que j'ai été adoptée. Du genre : "Oh mon Dieu je suis désolé...si tu ne veux pas en parler y a pas de problèmes". Si je n'ai pas envie d'en parler, je n'en parle pas, reste tranquille. Et puis, depuis quand on associe un "Oh mon Dieu !" catastrophé à un "J'ai été adopté" ?!

ou encore

"Oh ma pauvre..." Intéressant. Donc, être arrivée dans une famille top du top, entourée par des gens fabuleux, dans un pays comme la France (oui la France est un beau Pays, croyez-moi), c'est une étape absolument insurmontable ?

J'ai aussi eu droit à : "Ca n'a vraiment pas dû être facile..." Alors je t'explique, ce n'était pas plus difficile que tous les autres enfants. J'ai fait ma crise d'ado comme tous les gamins de 15 ans, je me suis posée peut-être plus de questions mais dans la mesure où j'ai toujours été très bien épaulée, j'ai survécu. Je ne me suis JAMAIS dis "ce ne sont pas mes parents", parce que ce sont MES parents. Ils m'ont élevé, ils m'ont aimé, ils m'ont éduqué, ils m'ont protégé, ils m'ont tout donné et tout cela est d'ailleurs toujours d'actualité. Leurs amis ont toujours été fabuleux avec moi, eux aussi m'ont beaucoup apporté. Concernant mes frères, ça viendra plus loin (je leur fais toujours une spéciale dédicace, c'est mon côté petite sœur). J'ai une famille, au sens large du terme, qui est véritablement exceptionnelle. L’aînée de mes cousines me raconte souvent mon arrivée en France et à chaque fois, c'est magique. Mes autres cousins/cousines sont absolument géniaux. Quand j'étais en études à Grenoble, j'ai passé pas mal de temps chez mes cousines et mon cousin, des jours et nuits entières parce que je m'y sentais bien. Parce que ce sont eux, tout simplement. Mes oncles et tantes sont toujours présents, quelles que soient les circonstances. On a la chance d'avoir eu d'autres adoptions et la diversité de cette famille est fantastique. J'ai des ami(e)s formidables, pas des ami(e)s en carton comme tu vois dans les séries TV, des vrais de vrais, qui me suivent depuis que j'ai mis les pieds sur le sol de l'école maternelle de mon fief. Des amis qui m'ont accompagné dans mes années Collège, Lycée, FAC et qui sont toujours là aujourd'hui. J'ai eu des personnes dans ma vie qui m'ont beaucoup apporté. Même si cela n'a été qu'un temps, elles ont toujours été là pour moi. Et certaines d'entres elles seront toujours là, même si le temps et les choses de la vie ont fait qu'on s'est un peu perdue de vu. Et j'ai surtout la chance d'avoir un chéri formidable, qui connait mon histoire et qui l'a trouve très belle, qui la respecte et qui me suivra quand je retournerai au Sri-Lanka. Qui supporte aussi mes états d'âmes, notamment au moment de la période de Noël et de mon Anniversaire (il a de la chance ce n'est pas très espacé) parce que c'est plus difficile. Difficile de se dire que je vis parfaitement bien mais qu'au loin, j'ai de la famille "de sang" qui galère sûrement. Enfin, la phrase que je déteste PAR DESSOUS TOUT, la voici, en exclusivité Mesdames et Messieurs... : "Ah donc tes frères, ce ne sont pas tes vrais frères ?" Alors là Monsieur Connard, tu peux me faire sortir de mes gonds en moins de deux. Parce que mes frères, si tu dis que ce ne sont pas mes frères, ça va être tendu. Sérieusement, je ne m'étais jamais posé la question jusqu'à ce qu'on me l'a pose. Je me dis qu'il faut être sacrément con pour aller chercher des trucs pareils. Allez, un peu de généalogie et de biologie Brigitte. Ce ne sont pas mes frères de sang, d'accord. Mais ce sont mes frères quand même. Te turlupine pas l'esprit pendant 10 ans avec ça, et dis toi que c'est comme ça. Quand toi tu dis à tes amis "Wesh zinc jt'e considère comme un frère" et bien moi c'est pareil. Sauf que je ne les considère pas comme mes frères, ils le sont réellement. Légalement, socialement, juridiquement. Le compte est bon. Ce sont mes plus grands modèles, je leur dois beaucoup, eux aussi m'ont beaucoup donné, m'ont beaucoup aidé, m'ont beaucoup protégé, m'ont fait avancer et me font encore avancer. Ils sont très différents l'un de l'autre et je suis un mixte des deux. Heureusement, les réactions ne sont pas toujours empruntes de drame. Certaines sont mêmes très touchantes. Je crois que les plus belles sont celles qui viennent droit du cœur, celles d'amis, de connaissances ou de parfaits inconnus qui me disent que j'ai beaucoup de chance, que j'ai des parents adoptifs qui ont fait un très beau choix et que j'ai une maman biologique qui mérite sûrement beaucoup d'éloges. L'une des plus belles réactions a d'ailleurs été celle d'un professeur, très touché par mon histoire et qui m'a en quelques sortes ouvert les yeux. Ouvert les yeux sur le fait que oui, j'ai énormément de chance et que oui, il me faudra tôt ou tard partir à la recherche de mes racines. Parce que j'en ai besoin et que cela m'est nécessaire pour avancer. Et je le remercie, d'avoir eu les mots justes, d'avoir su me donner confiance dans mon choix d'entamer prochainement des recherches et de m'avoir soutenu, le temps d'un instant. Voilà, l'adoption ce n'est pas un drame, ce n'est pas une fatalité, c'est une partie de soi, de son histoire et je pense sincèrement que ce doit être une fierté. Bien sûr que je me suis posée des questions quant à ma famille biologique. Bien sûr que je me dis que quelque part au Sri-Lanka, il y a une femme merveilleuse qui a fait le difficile geste de me confier à de parfaits étrangers. Et des fois ça me tord l'estomac parce que je me dis qu'il faut être sacrément courageuse. Et pour moi, sans la connaître, je sais que ma mère biologique est dotée d'un courage, d'une confiance et d'une maturité sur dimensionnés. Et bien sûr que j'aimerais la rencontrer et j'entamerai les recherches très prochainement, accompagné de mon chéri, de mes frères et de mes parents. Les étapes de doutes, de questionnements, de recherches m'ont donné une force incroyable. Et je ne serais jamais ce que je suis si je n'avais pas vécu tout cela. Je n'ai pas leur sang, mais j'ai quelque chose de beaucoup plus fort et bien plus vrai : leur AMOUR.Donc oui, l'adoption est un geste fabuleux.

C.C

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commentaires
J
C'est un magnifique témoignage d'amour , une belle histoire de famille . Bravo à tous !
Répondre
C
Merci Joël :)
M
très beau témoignage ! on te souhaite encore beaucoup de bonheur et que ce récit puisse aider d'autres personnes
Répondre
C
Merci Maryline :)

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